vendredi 23 février 2018

" La fille à histoires ".


Coup de cœur pour ce livre d'Irène Frain que je tenais à partager avec vous ! 



J'avais déjà été scotchée par la si belle écriture et la construction parfaite de son livre "Les naufragés de l'île Tromelin".
Ici, pas de roman d'aventure. C'est un écrit intimiste. 
L'auteur est née en 1950. Elle nous parle de ces années d'après guerre et de son arrivée dans une famille ouvrière pauvre. 
Son rapport particulier avec sa mère va déterminer très jeune sa vocation d'écrivain. 
L'écriture est précise, détaillée, un peu comme celle d'Annie Ernaux qui elle aussi sait si bien nous parler de la honte, des plongées dans les boites de photos à scruter les visages pour tenter de comprendre les non-dits de ces années-là. 

Les femmes du quartier se retrouvent autour de la table de la cuisine, sous laquelle se cache la petite Irène. 
Cette dernière nous décrit magnifiquement le rituel du "jus", ce breuvage fait "d'un mélange de chicorée en poudre et de café fraichement moulu". 

"...Pendant une heure ou deux, elles vont se parler. Ce sera une sorte de chant alterné; la voix de l'une ne se sera pas tue qu'aussitôt celle de l'autre prendra le relais....ma mère...a des gestes d'officiante. Et ne déroge à aucune règle du cérémonial. Pour qu'un jus soit un jus, il faut impérativement le servir dans des verres Duralex, ceux qu'on utilise tous les jours. On doit aussi les poser à même la toile cirée. Si elle sortait une nappe et la fine porcelaine de son service de mariage, les paroles resteraient coincées au fond du gosier. Et avec elles le jus de la vie."

Extrait de "La fille à histoires" d'Irène Frain, éditions Seuil. Septembre 2017.  

4 commentaires:

  1. Merci chère Claudie, je crois n'avoir jamais lu les livres de cette auteure, j'ai une belle découverte à faire. J'ai connu moi-aussi chez mes grands-parents ce fameux jus dans les verres Duralex blanchis par le temps, son parfum envahissait la maison tôt le matin, c'était le signe qu'ils étaient debout, et ce jus était réchauffé jusqu'à midi, ah, les doux moments du passé...Douce journée à toi, il fait grand froid ici, le vent chante fort et le ciel est gris, tiens je vais me faire un café expresso dans une jolie petite tasse. Bises. brigitte

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    1. Chère Brigitte, Merci pour ce message plein de douceur ! Beaucoup de références à cette période dans ce livre, avec des flashs "ah oui,c’était exactement comme cela" !
      "Les naufragés de l'île Tromelin"est passionnant aussi mais tellement différent que l'on a du mal à croire qu'il est écrit par la même personne. C'est cela le talent !
      Ici aussi le temps est gris et pluvieux, mais les températures sont bien remontées. Je t'embrasse et à bientôt. Claudie.

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  2. Bonjour Claudie,

    Merci beaucoup de votre très gentil message. J'espère que vous allez bien.
    Merci aussi de cet extrait d'enfance. N'ayant pas de souvenirs de ce type, ils me touchent et me rendent nostalgique de ce qui n'a pas été. Il faut alors se construire ses propres rituels, les inventer pour mes (petits) enfants. C'est aussi une source de liberté. Je crois qu'on passe sa vie à louvoyer entre les racines et les ailes.

    Je vous embrasse,

    Marie-paule

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    1. Chère Marie-Paule,
      J'espère que vous allez bien vous aussi.
      Merci pour votre commentaire touchant. J'aime beaucoup votre dernière phrase "on passe sa vie à louvoyer entre les racines et les ailes". Elle est si vraie !
      Je vous embrasse. Belle fin de semaine.

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