J'avais un chemisier en lin que j'ai bien dû porter une bonne trentaine d'années.
Un lin parfait, fin, souple et une coupe idéale pour l'aisance et impeccable pour le tombé.
Le genre de vêtement que l'on ne veut jamais voir s'user.
Et pourtant, une fin d'après midi, de retour de la ville, je suis passée devant un miroir et....qu'elle ne fut pas ma surprise de constater que je m'étais promenée toute la journée dans une espèce de guenille trouée !
C'était la toute fin de l'été dernier, je l'ai alors rangé (ne me décidant pas à le jeter), j'ai acheté un lin un peu équivalent me disant que sur les catalogues de patrons ou chez les différentes créatrices, je trouverai bien mon bonheur au printemps prochain.
Ce printemps est arrivé, la pandémie avec, et son corollaire le confinement !
Les magasins vendant les patrons étaient fermés, les commandes et livraisons laborieuses et bien souvent bloquées.
Alors j'ai utilisé la méthode de ma grand mère lorsqu'elle voulait refaire un vêtement.
Elle décousait entièrement chaque point de l'ancien habit. Elle se servait alors des pièces obtenues comme patron.
Cette façon de faire correspondait de plus totalement à l'état d'esprit du moment :
. Minimaliste: j'étais empêchée par ce satané Covid pour choisir un patron digne de ce nom.
Il fallait utiliser ce que je possédais à la maison.
Les boutons de nacre de l'ancien chemisier avaient bien supporté le passage des années, ils étaient impeccables et ne demandaient qu'à être réutilisés.
Et dans ma réserve bien fournie de fils, j'avais une teinte qui correspondait à peu près à celle du tissu de lin.
. Lente: j'avais du temps, beaucoup de temps, énormément de temps.
J'ai souvent pensé Découvit en main, à Pénélope. Elle aurait sûrement aimé avoir ce petit outil magique ! Les surfilures, les coutures anglaises ont résisté aussi longtemps qu'elles ont pu. Le tissu plus qu'usé s'effilochait. Cette étape fut plus longue et plus délicate que la coupe et la couture qui suivirent.
. Je souhaitais à peu près la même coupe (j'ai apporté quelques modifications tout de même).
. Et je pouvais me permettre de sacrifier l'original moribond.
Voici toutes les pièces décousues puis reportées sur un papier spécial pour patron (que j'avais en réserve, Ouf !). J'aurais pu sauter cette étape MAIS JE VOULAIS GARDER LE PATRON DE MON DIVIN CHEMISIER. Je pense que je le déclinerai encore et encore.
Puis les pièces du patron en papier sont reportées sur le nouveau tissu de lin.
Les deux parties de l'avant, le dos, les manches, le col, le pied de col, les poches.
Et voici le petit nouveau !
L'empiècement dos que j'avais oublié de découper, mais en resserrant les effectifs, j'ai pu trouver suffisamment de tissu...et je n'ai pas pensé à prendre la photo de cette partie de patron.
Les petits boutons de nacre récupérés sur l'ancêtre.
Je n'ai pas remis les poches et j'ai augmenté la hauteur du buste de quelques centimètres.
Je n'ai laissé que les pinces du dos.
J'ai fait des essais avec deux paires de pinces sur l'avant comme sur l'ancien chemisier, mais porté avec un pantalon de lin noir, son tombé assez droit et sa sobriété un peu japonisante me convenaient mieux.
Comme dans "la cuisine du placard", ces recettes inventives faites avec ce que l'on trouve chez soi à l'instant T, cette "couture du placard" réalisée avec ce que j'avais sous la main en cette période si particulière m'a ravie.
Sans vouloir faire de la philosophie (!) autour d'un chemisier en lin, ce recentrage sur un habit plus épuré et exécuté avec peu de moyens, cheminait en parallèle avec le sentiment tenace d’alléger "la vie d'après". La recherche de sobriété, l'envie de moins consommer, celle de recycler au maximum, la fidélité à des valeurs sûres m'animent encore plus après ces mois si particuliers.
Pendant cette période, j'ai vu passer chez beaucoup d'entre vous de magnifiques carnets aquarellés, des broderies, des photos composant de véritables herbiers, des poèmes...etc...
Et vous, avez-vous un objet, un vêtement qui vous a accompagné, une création qui symbolise ce confinement ?